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Le yoga, victime de la mode

Photo du rédacteur: PerlaPerla

Yoga-bière, yoga chèvre… On ne compte plus les déclinaisons toujours plus farfelues de la discipline millénaire.


LE MONDE | 27.08.2017 | Par Pascal Santi

Si tu ne t’es pas inscrit au yoga fin août, t’as raté ta vie. Des années après les premiers apôtres californiens, l’engouement que suscite cette pratique semble ne jamais vouloir se tarir. Cours d’essai, séances gratuites, parfois dans des lieux insolites… Le yoga compte quelque 2 millions d’adeptes en France, 36 millions aux Etats-Unis, et en attire toujours plus. Les photos et vidéos d’apprentis yogis sur fond de coucher de ­soleil tapissent (qui a dit « polluent » ?) chaque été les ­réseaux sociaux, affichant des positions dignes des plus grands ­contorsionnistes. Dans son édition du 11 août, Elle décrit « le boom de l’ego trip », le raz-de-marée des séjours yoga-déconnexion.


Façon Ridley Scott

Depuis deux ans, il existe même une Journée mondiale du yoga, le 21 juin. Décrété par les Nations unies à l’initiative du premier ministre indien, Narendra Modi, le rendez-vous a connu un succès immédiat. Sauf que cette journée, souvent sponsorisée par des marques de vêtements et dont le but semble être de battre des records de postures façon Guinness Book, est en contradiction avec l’essence même du yoga, comme le déplorent les professionnels. Les enseignants regardent d’un œil consterné les innombrables déclinaisons de leur discipline, parfois absurdes, qui fleurissent dans les salles de sport hype.


Il faut dire que les marchands de concepts yogis font preuve d’une inépuisable inventivité. Citons le yoga-tequila ou sa déclinaison modérée, le yoga-bière. Mais aussi, dernière mode aux Etats-Unis, le goat yoga, ou comment enchaîner les postures entouré de… chèvres – voire avec la bête sur le dos, ce que décrivait récemment une dépêche de l’AFP. Ou encore l’alien yoga, présenté dans le quotidien britannique The Times le 15 août, qui consiste à aspirer le ventre pour ne laisser paraître qu’une bosse, façon Ridley Scott. Le 18 août, Grazia annonçait le « HIIT yoga » comme le must de la rentrée, soit l’invention d’un club parisien mêlant des exercices cardio et des postures de yoga. On pourrait continuer la liste.

Or, « le yoga n’est pas une thérapie ni une gymnastique, c’est une philosophie porteuse du sens de la vie qui permet, dans un monde en total boulever­sement, d’aller à l’essentiel », souligne Isabelle ­Morin-Larbey, présidente de la Fédération nationale des enseignants de yoga (FNEY) qui a fêté ses 50 ans cette année.

L’origine du yoga, mot issu du sanscrit qui signifie « relier, unir, joindre », implique la personne tout entière en réunifiant le corps, l’esprit et le cœur. Née il y a des milliers d’années en Inde, cette discipline désigne « l’arrêt des fluctuations du mental ». En pratique, les postures du yoga (asanas) et les exercices de respiration (pranayamas) permettent de fortifier les points d’appui physiques et respiratoires et de retrouver un axe, avec aisance et fermeté, sans aucun jugement.

« Aujourd’hui, le bien-être représente tout un marché, constate la psychanalyste Christiane Berthelet Lorelle, auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet. Il nous faut donc transmettre et transmettre encore, nous référer aux textes anciens, continuer d’œuvrer pour que chaque personne ait la possibilité de discerner ce qu’est une pratique authentique, ancrée dans son éthique, d’une autre, vouée à la performance gymnique ou à l’esthétisation. » Aux antipodes d’une discipline express fondée sur la culture du résultat. « Patience, lenteur, persévérance, humilité sont les qualités développées sur le ­tapis », résume ­Isabelle Morin-Larbey.


Des bienfaits prouvés

« Ramener le yoga à une technique, c’est réducteur. Il ne suffit pas d’apprendre les postures. Ce n’est pas une démonstration, c’est même ­l’inverse. Le yoga s’apparente plus à une approche holistique, c’est une discipline corporelle, philosophique et spirituelle, qui propose de lâcher prise », explique Christophe Pasteur, ostéopathe, qui enseigne l’anatomie à l’Ecole française de yoga de Paris, qui dépend de la FNEY.

« On en fait aujourd’hui une solution miracle pour tout, pour maigrir, alors que le yoga, c’est justement se détacher des apparences », souligne Patrick Delhumeau, directeur de l’Ecole française de yoga de l’Ouest. Ses bienfaits sur la santé sont prouvés par de nombreuses études scientifiques, que ce soit pour traiter la dépression, apaiser le stress, améliorer la digestion, la santé cardiaque… « Ça fait partie des effets secondaires désirables du yoga », décrit joliment M. Delhumeau. Les études le confirmant se multiplient ; on en compte des milliers. La pratique est de plus en plus proposée dans les établissements de soins.

Symptôme de l’époque, beaucoup y voient également une aide face au morcellement du temps, à la course effrénée permanente, au toujours plus, au « tout, tout de suite ». Le yoga permet de s’autoriser à prendre du temps pour soi.

Pour l’instituteur et scénariste Gilles Vernet, c’est « une discipline qui redonne souffle et souplesse à notre existence ». « Il est bon de se créer des pauses volontaires dans un monde qui ne nous les offre plus », dit l’auteur du documentaire et livre Tout s’accélère (Eyrolles, 264 pages, 14,90 €) publié en mai. « Prendre son temps donne de l’espace, voilà la leçon de cette pratique ancestrale », souligne la psychanalyste Christiane Berthelet Lorelle.

Le yoga peut aussi être « un refuge pour ­reprendre pied », comme pour Marie, qui a connu des ruptures affectives et professionnelles. Elle y a trouvé « un moyen de souffler et de reprendre confiance en [elle] », sans jamais fuir. « Le yoga permet de se détacher de certains comportements, notamment consuméristes, insiste Mme Morin-Larbey. Et de se désencombrer, d’aller vers l’essentiel. » Inutile de s’encombrer d’une chèvre, même si elle est souple.


Travaux pratiques:

Quel yoga ?

Le texte de référence, daté autour du IIe siècle avant J.-C., est le Yoga-Sûtra, attribué à Patanjali. Il existe différentes lignées, mais la forme la plus répandue est le hatha yoga, qui allie les exercices de postures, plus ou moins lentes, et de souffle. Quelle que soit l’appellation, l’essentiel est que la philosophie du yoga soit respectée, à l’opposé de la performance et de la démonstration.


Quel cours ?

Pour éviter les dérives, il faut être très exigeant sur la formation des enseignants, qui doivent au préalable s’informer sur votre état de santé, adapter les postures. Ne pas hésiter à « essayer » plusieurs cours afin de trouver le professeur qui vous corresponde le mieux, car c’est un véritable accompagnement. Si rien n’est contraint, il est préférable de pratiquer régulièrement, au moins une heure par semaine et dans l’idéal tous les jours.


Quelle école au Luxembourg?

La Fédération nationale des écoles luxembourgeoises de yoga compte une vingtaine de professeurs formés en quatre ans, tous diplômés et issus de différentes écoles.

 
 
 

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